Pour la bibliothèque laboratoire Saint-Sulpice

Il s’est versé beaucoup d’encre au sujet de la bibliothèque St-Sulpice depuis l’annonce en décembre dernier de l’abandon du projet de bibliothèque laboratoire pour adolescents et jeunes adultes, qui était porté par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et la Ville de Montréal. Pourtant, ce projet était bien plus qu’un prétexte visant à réhabiliter un bâtiment patrimonial, projet dont on pourrait disposer sans arrière-pensée, et surtout, sans se soucier de ceux et celles auxquels il était destiné.

Ce traitement des ados et des jeunes adultes, qui sont à toutes fins utiles considérés comme des non-publics, est récurrent dans les bibliothèques publiques québécoises, à commencer par la Grande bibliothèque. En fait, malgré le succès qu’elle a connu depuis son inauguration, la programmation de la Grande bibliothèque n’a pas prévu de véritable continuité de services pour ces publics. La nécessité de concevoir et de planifier une stratégie de développement qui leur soit destinée demeure donc entière.

Cette nécessité se justifie d’autant plus que les écueils liés au décrochage et au développement de capacités en littératie médiatique et numériqe sont largement connus. Dès la fin du primaire, et par la suite dans leur parcours éducatif et dans leur intégration au monde adulte, ces jeunes sont confrontés à des institutions dont la culture organisationnelle et dont l’offre de services demeurent mal adaptées à leurs valeurs et à leurs besoins.

La réduction de leur usage des bibliothèques trahit des enjeux plus profonds sur le plan de leurs pratiques de lecture, sur leur maîtrise du numérique et sur leur participation à la vie de la société en général. Le Square, par exemple, est une initiative d’appoint qui ne compense pas l’absence d’une offre complète et équitable pour les ados et les jeunes adultes.

En ce sens, il faut insister sur le fait que le projet de bibliothèque laboratoire Saint-Sulpice (BLSS) a été conçu pour et par les ados et les jeunes adultes, en s’appuyant sur une démarche de conception participative impliquant ces publics et sur une véritable recherche en avant-projet.

Le projet BLSS se veut aussi un levier pour l’ensemble des bibliothèques du Québec en tant que laboratoire de culture numérique et d’innovation sociale. Toute institution qui aspire à refléter les valeurs et à répondre aux besoins d’ados et de jeunes adultes devra fatalement faire preuve d’une grande capacité d’adaptation au fur et à mesure que de nouvelles cohortes se succéderont les unes aux autres, au fur et à mesure que vont apparaître et se diffuser de nouveaux environnements technologiques et culturels.

À ce titre, une bibliothèque visant ces publics devra forcément se renouveler de façon récurrente, accueillir de nouvelles générations de jeunes, assumer une gouvernance partagée, ce qui lui garantira sa pertinence, sa stabilité dans le changement et son impact dans la durée. 

Cette bibliothèque laboratoire devra également viser à agir en tant que structure de soutien et d’accompagnement pour les autres établissements et donc comme un laboratoire de bibliothèques pour mieux répondre aux besoins et aux aspirations de ces publics à l’échelle de tout le Québec. Ces apports multiples sont susceptibles de faire une différence significative dans la capacité de réponse du réseau des bibliothèques publiques québécoises auprès des jeunes et qui sont déjà traditionnellement désavantagées – si on les compare aux bibliothèques canadiennes – en matière de personnel.

Le projet BLSS doit s’imposer comme un « hub » pour les jeunes, mais aussi pour toutes les bibliothèques du Québec qui servent ces jeunes, en particulier dans le cadre de la mise en place de cette initiative nationale qui vise à «Éduquer au numérique». Ce rôle de facilitation doit être en phase avec les mandats de la Grande bibliothèque/BAnQ en matière de services aux milieux documentaires. Par ailleurs, il faut souligner que le modèle de participation communautaire qui sous-tend le projet prévoit des collaborations avec des organismes communautaires locaux et régionaux, ainsi que d’autres institutions culturelles et éducatives. 

Il est important de distinguer les deux grands enjeux que soulèvent les différents questionnements sur l’avenir de la bibliothèque Saint-Sulpice. Il y a, d’une part, le sort du bâtiment lui-même, dont le caractère patrimonial devra être respecté et valorisé quelle que soit la fonction qui lui sera ultimement attribuée. Mais, d’autre part, il serait à la fois coûteux et irresponsable que le Québec ne se dote pas rapidement d’une institution capable de relever les nombreux défis identifiés concernant les adolescents et les jeunes adultes. Tout bien considéré, l’installation de BLSS dans le bâtiment qui a abrité la première grande bibliothèque à vocation publique au Québec demeure l’option à privilégier pour ce projet.

Des localisations alternatives existent toutefois. Un exemple? Sur le site même de la Grande bibliothèque, en bordure de la rue Ontario, le terrain existant avait été considéré et a la capacité d’accueillir ce projet. Une autre possibilité serait de créer une annexe de la Grande bibliothèque dans l’Est de Montréal, près d’un carrefour de transport collectif, contribuant ainsi à la revitalisation de l’Est et permettant à la GBQ de se rapprocher de jeunes vivant dans des quartiers souvent mal desservis. 

Ne jetons donc pas les jeunes avec l’eau du bain.

Cette lettre d’opinion, parue dans Le Devoir (26 avril 2021), a été rédigée par Louise G. Labory, Pierre Godin, Marie D. Martel et appuyée par 30 signataires :

  • Christophe Abrassart, professeur agrégé, École de design, Université de Montréal
  • René Audet, professeur titulaire, Département de littérature, Directeur Partenariat littérature québécoise mobile
  • Ismaël Belisle, bibliothécaire pour les adolescents
  • Olivier Charbonneau, bibliothécaire titulaire, Université Concordia
  • Emmanuel Chateau-Dutier, professeur adjoint en muséologie numérique,Université de Montréal
  • Sophie Chesneau, professeure d’orthophonie, Université du Québec à Trois-Rivières
  • Aline Crédeville, bibliothécaire
  • Benoît Desgreniers, bibliothécaire
  • Alexandre Enkerli, conseiller technopédagogique, accompagnement et innovation en pédagogie numérique
  • Dominic Forest, professeur titulaire, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Philippe Gauthier, professeur agrégé, École de design, Université de Montréal
  • Jacques Hamel, professeur titulaire, sociologue de la jeunesse, Université de Montréal
  • Jacqueline Labelle, bibl. prof., consultante en gestion et en informatique documentaire
  • Nathalie Lacelle, professeure titulaire, Département de didactiques des langues, Université du Québec à Montréal
  • Marcel Lajeunesse, professeur associé, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Monique Lebrun-Brossard, professeure émérite, Département de didactique des langues, Université du Québec à Montréal
  • Yvon Lemay, professeur, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Éric Leroux, professeur, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Mohammed Maatallah, professionnel, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Jean-Pierre Marquis, professeur titulaire, Département de philosophie, Université de Montréal
  • Pascal Martinolli, bibliothécaire
  • Sabine Mas, professeure, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Dominique Maurel, professeure, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal
  • Jean-Pierre Mercier, Département de didactique des langues, Université du Québec à Montréal
  • Sébastien Proulx, professeur, Department of Design, Design School, Ohio State University
  • Marcello V.Rosati, professeur agrégé, Département des littératures de langue française, Chaire de recherche sur les écritures numériques, Université de Montréal
  • Jean-Sébastien Sauvé, professeur, EBSI, Université de Montréal
  • Michael, E. Sinatra, professeur titulaire, Directeur, Centre de recherche interuniversitaire sur les humanités numériques, Université de Montréal
  • Mathieu Tremblay, bibliothécaire
  • Bob W. White, professeur titulaire,Département d’anthropologie, Université de Montréal

Les démarches de conception collaborative en bibliothèque : Bilan et leçons stratégiques (extrait d’un article paru dans le BBF)

Martel, Marie D., Gauthier, Philippe, et Pascale Félizat-Chartier. « Les Démarches de conception collaborative en bibliothèque »Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2019, n° 17, p. 126-135. Disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/les-demarches-de-conception-collaborative-en-bibliotheque_68974 ISSN 1292-8399.

Je partage un texte paru au début de l’été sur le thème du design collaboratif en bibliothèque. Cet article est paru dans le Bulletin des bibliothèques de France (BBF) dans le cadre d’un numéro sur le thème « Habiter la bibliothèque ». Ce numéro du BBF est la dernière publication imprimée  sur papier du BBF. Extrait.

Le recours à des démarches de conception collaborative n’est pas propre aux bibliothèques 1. Ce type de processus impliquant des ateliers de réflexion ou de création collective, intégrant une variété de parties prenantes, se multiplie dans les services publics. Ces exercices d’innovation publique conduisent les organisations à interroger les relations qu’elles entretiennent, à l’interne comme à l’externe, en vue d’en améliorer la qualité. Le recours à de telles démarches peut également viser à légitimer leur action face à la critique, sinon à la transformer. L’essor de la participation sociale dans la chose publique, qu’elle soit abordée dans la perspective de la politique ou du design des politiques publiques, devient une autre réponse au déficit démocratique perçu, vécu et accentué par la culture numérique. Les pratiques collaboratives au sein des bibliothèques publiques, en Amérique du Nord comme en Europe, ont pris une amplitude toute particulière en raison du renouvellement du modèle du « palais des livres » à l’orée du XXIe siècle, par celui du « palais des gens ». Ce modèle, identifié aux tiers lieux (third spaces), propose que la bibliothèque soit un espace ouvert aux conversations et à la création de savoir communautaire, bénéfique à l’élargissement de la sphère publique et à la santé du tissu démocratique 2. D’autres travaux en sociologie suggèrent aussi que la bibliothèque ne se contente pas de tisser du lien social (bonding), mais que le capital social qu’elle contribue à produire implique encore une capacité à créer des ponts (bridging) entre des populations peu disposées a priori à se relier et à vivre ensemble 3. Récemment, des études issues de l’ethnologie se sont penchées sur l’importance des infrastructures sociales qui, à côté des infrastructures civiques et technocratiques, garantissent les conditions matérielles, spatiales, urbanistiques nécessaires pour cultiver la vie sociale. Pour Éric Klinenberg, les bibliothèques représentent les « meilleurs exemples de ces infrastructures sociales » considérant l’effet des espaces et des dynamiques qu’elles instaurent sur les plans territorial et communautaire 4. En Amérique du Nord, les attentes engageant les bibliothèques s’expriment en termes de justice sociale en se focalisant sur la participation et la réduction des obstacles à l’accessibilité 5. Les laboratoires de créativité ou de fabrication qui essaiment aujourd’hui convient les citoyen.ne.s tant à la création qu’à la co-création d’espaces, en incluant les populations exclues ou vulnérables. Divers référentiels, des boîtes à outils et des méthodes ont été élaborées au carrefour de la bibliothéconomie, du développement communautaire et des disciplines du design en vue d’accompagner le personnel des bibliothèques dans la conduite de ces initiatives de participation inclusive 6. C’est dans ce contexte que les projets de bibliothèques, qu’ils relèvent de la programmation de services, de politiques ou d’espaces, sont devenus des terrains de prédilection au moment d’implanter et de mettre à l’épreuve une série de démarches de conception collaborative à Montréal.

Entre 2013 et 2018, les bibliothèques de Montréal ont déployé plus d’une dizaine de démarches de conception collaborative qui a favorisé la consolidation de ces pratiques en tant que méthode de conduite de projet, savoir pratique et dispositif de médiation sociale 7. Cette étude examine ces initiatives en vue de décrire leur apport en même temps que leurs limites. Le bilan dessiné permet de mieux cerner les conditions favorables au design des infrastructures sociales du point de vue organisationnel, c’est-à-dire du point de vue des décisions stratégiques qui façonnent la conception collaborative, et conséquemment, les nouvelles bibliothèques. Notre réflexion sur le volet stratégique de la conception collaborative est le résultat de nombreuses discussions informelles avec le personnel des bibliothèques de Montréal, des participants et des chercheurs qui ont accompagné les démarches. Pour la mettre en œuvre, nous avons analysé de façon détaillée les rapports d’ateliers et de démarches de codesign (design collaboratif) publiés à la suite de ces activités qui nous ont servi d’archives et de repères documentaires. Ces données ont été complétées par des notes, des observations et des entretiens conduits dans le contexte d’autres initiatives, notamment dans le cas d’une résidence en région à la bibliothèque de Montmagny et dans les bibliothèques de l’Université de Montréal. Ces comparaisons ont permis de mieux circonscrire le cas des bibliothèques publiques de Montréal et la possibilité de transposition des résultats.

GENÈSE DU RECOURS AU DESIGN COLLABORATIF DANS LE RÉSEAU DES BIBLIOTHÈQUES DE MONTRÉAL

Au moment de programmer la première cohorte de nouvelles bibliothèques à Montréal, dont les avant-projets avaient été réalisés avant 2013, les pratiques de consultation n’étaient pas encore systématiques, ni harmonisées auprès des équipes-projets. La plupart des collectes de données reposaient sur des méthodes quantitatives par le biais d’enquêtes, dans le meilleur des cas. Les approches qualitatives, à la façon de celles qui accompagnent une démarche de conception collaborative et recourant à des enquêtes ethnologiques de terrain, n’étaient pas alors mises à contribution. En comparaison, les projets de construction de bibliothèques dans les autres grandes villes canadiennes faisaient appel à une panoplie de dispositifs de consultation, convoquant des méthodes mixtes, tant quantitatives que qualitatives avec des formules participatives : enquête, forum, atelier de codesign, interactions via les médias sociaux et approche Working Together8. C’est sur la base de ce travail qu’ont été édifiées plusieurs nouvelles bibliothèques publiques en Colombie-Britannique, en Ontario, en Alberta et en Nouvelle-Écosse incluant la bibliothèque centrale d’Halifax (140 000 m²), un projet dont la planification entre 2008 et 2012 a reposé sur plusieurs événements participatifs avec différents groupes de la communauté 9. À l’exemple des bibliothèques canadiennes, la direction des bibliothèques de Montréal a pris la décision de normaliser et de renforcer la consultation en incitant les équipes-projets à utiliser des méthodes variées, tant quantitatives que qualitatives. D’abord, une étude commandée en 2012 par le RAC (le service Rénovation, Agrandissement et Construction des bibliothèques de Montréal) sur l’approche living lab explorait la nature de cette méthodologie du design collaboratif ainsi que diverses expériences menées dans les services publics. Cette étude a ensuite servi de levier pour la tenue d’une première démarche de conception collaborative supportée par une expertise locale en design social pour le projet de la bibliothèque de Pierrefonds amorcée en 2013 10. Cette initiative sera suivie par plus de dix démarches pour autant de projets de nouvelles bibliothèques, avec un partenaire universitaire ou par l’entremise d’autres fournisseurs en innovation sociale, mais toutes à l’enseigne d’une conception centrée sur l’expérience-usager et le design collaboratif 11. Le mandat général du commanditaire était d’impliquer les citoyen.ne.s dans la planification et la conception des avant-projets en co-créant une vision commune, d’améliorer la qualité du livrable, notamment en termes d’innovation, et d’assurer le volet de l’acceptabilité sociale inscrit dans le cadre de gestion de projet. Ces initiatives ont permis jusqu’à ce jour de rencontrer et de collaborer avec plus de cinq cents citoyen.ne.s participant.e.s ; elles ont aussi été progressivement l’occasion de développer un modèle méthodologique qui s’est raffiné dans le temps, en termes de processus et de programmation d’ateliers s’écoulant sur trois à six mois. La démarche de conception collaborative combinait deux types de travaux. D’une part, un effort de divergence visait à récolter un maximum d’informations et à s’imprégner du contexte. D’autre part, une partie de l’effort était investie dans un travail de convergence visant à donner du sens aux données recueillies, en les transformant et en les mettant à l’épreuve de la conception. Cette approche permettait de formuler un ensemble de recommandations destinées à composer le livrable et alimenter le programme fonctionnel et technique 12. Les thématiques abordées dans les ateliers étaient variées et touchaient une diversité d’enjeux sociaux pour lesquelles la bibliothèque était perçue comme un médiateur possible : la mixité sociale, la conciliation travail-famille, la santé par l’activité physique, la quiétude et le besoin de se reconnecter avec la nature, l’isolement (des jeunes, des plus âgés, des personnes vulnérables…), les rencontres entre générations, le rapprochement interculturel, l’exclusion sociale, la participation culturelle, l’aide aux personnes en recherche d’emploi, l’accès à des outils technologiques, l’autosuffisance alimentaire, l’engagement environnemental, etc. Ces thématiques convergeaient vers une interrogation plus large : comment peut-on aider les citoyen.ne.s à s’entraider, entreprendre, créer, s’approprier les connaissances dont ils ont besoin dans le but de transformer le monde qui les entoure ? Le projet de production de l’espace de la bibliothèque placé en débat critique offrait des occasions de concevoir des pistes d’action et des savoirs communs visant à apporter des réponses à cette question. Les équipes-projets et les professionnels des bibliothèques impliqués ont développé des connaissances riches sur les préoccupations et les aspirations des citoyen.ne.s. En plus de se former aux méthodes collaboratives et à la conduite de projet institutionnel, le personnel du RAC a avancé en compréhension à propos des nouveaux espaces et des services à mettre en œuvre, de la complexité des équipements mixtes 13, mais aussi en ce qui concerne les problématiques communautaires et les enjeux d’exclusion.

PROBLÉMATIQUE

L’avènement de ces initiatives de design en bibliothèque a suscité un mouvement de recherche-action chez les professionnels qui ont pu acquérir un savoir pratique en matière de conception et de gestion. Les démarches de conception collaborative ont suscité des réflexions portant sur ces expériences et sur l’amélioration des processus en cours engendrant, par itération, autant un projet d’apprentissage sur l’aménagement et le design de services que des concepts producteurs pour l’aménagement et les services. Cette posture de praticien réflexif 14 prend une importance croissante dans la formation et le travail des professionnels de bibliothèque dans toutes leurs sphères d’interventions et devient un contenu du curriculum universitaire. La dyade essentielle : réfléchir / concevoir – agir devient un référentiel épistémologique pour les designers et les éducateurs, les reliant au monde des professionnels de bibliothèque et pouvant servir de point de contact interdisciplinaire. La posture du praticien réflexif implique en outre une dimension critique étroitement associée au contexte de travail en collaboration avec des populations diversifiées ou socialement exclues 15. Dans cette perspective de recherche-action, nous voudrions attirer l’attention sur certains aspects stratégiques et opérationnels liés à la mise en œuvre des démarches de conception collaborative qui façonnent leur conduite et la nature de celles-ci, et qui nous sont apparus saillants. Comme certaines études l’ont souligné, les choix stratégiques et les décisions de gestion au quotidien invoquées dans le cadre des démarches de conception collaborative représentent des enjeux significatifs, mais souvent négligés lors de leur mise en œuvre 16. Selon certains auteurs, en effet, les activités stratégiques font partie intégrante du processus de conception collaborative et des résultats qui en découlent : « Dans ce type de perspective, toutes les activités qui entrent dans la conception collaborative sont examinées comme étant constitutives des processus, des résultats et de tout ce qui en découle ultérieurement ; elles sont considérées comme des problématiques internes d’engagement des utilisateurs et non seulement comme une question de contexte externe ou de routine qui serait facultative 17. » Au cours des démarches, ces activités stratégiques ont généré des réflexions et des ajustements sur la base des expériences accumulées. Ces savoirs en action ont permis de tirer un certain nombre de leçons qui appuient la thèse selon laquelle les considérations stratégiques, qui vont de la planification à la logistique en passant par la communication, jouent un rôle constitutif dans une démarche de design collaboratif.

La suite de l’article est accessible sur le site du BBF.